• Éric Larchevêque sur X:

      Bitcoin va-t-il mourir dans 2 halving ?

      La sécurité de la finalité des transactions Bitcoin est assurée par la puissance de calcul des mineurs, appelée hashrate.

      Il existe une attaque théorique connue dite “attaque des 51%” : si un acteur contrôle plus de la moitié de la puissance de calcul (hashrate), il pourrait manipuler le réseau en réécrivant les derniers blocs de la blockchain afin d’effectuer des doubles dépenses, censurer certaines transactions et d’une manière générale remettre en cause l’irréversibilité des paiements.

      Mener une attaque durable impliquerait de créer en secret une capacité de mining immense, avec data centers, centrales électriques et millions d’ASICs spécialisés. Coût estimé : des dizaines de milliards de dollars et plusieurs années de préparation.

      Il serait aussi possible de tenter de louer de la capacité de minage, de faire l’acquisition d’entreprises de minage déjà existantes ou de prendre le contrôle de pool de mining (qui réunit les mineurs en coopératives). Dans la pratique, cela coûterait aussi une fortune et n’aurait rien de discret. D’autre part, si une pool était corrompue par un acteur malveillant, les mineurs la quitteraient immédiatement.

      Sur le papier, tout le monde s’accorde donc à dire que le risque d’une telle attaque dans les conditions actuelles est improbable.

      Cependant, le débat se cache ailleurs : si les revenus des mineurs, aujourd’hui majoritairement liés à la récompense de bloc, tombent trop bas, nombreux pourraient jeter l’éponge, conduisant à une baisse du hashrate et donc à baisser le coût d’une prise de contrôle.

      Actuellement, les frais de transaction représentent moins de 1 % des revenus des mineurs et d’ici deux halving la récompense de bloc pourrait devenir trop faible pour justifier à elle seule de miner. Si les fees ne grimpent pas, le « budget sécurité » du réseau pourrait alors devenir insuffisant pour dissuader une attaque.

      Selon une étude de Justin Drake (chercheur à la fondation Ethereum) même avec un BTC à 10 millions de dollars, la faiblesse des frais de transaction rendrait possible une attaque 51 % continue pour un coût d’environ 20 milliards de dollars, soit peu de chose en regard des 20 trillions de dollars de la capitalisation total de Bitcoin à ce moment là.

      Bitcoin est-il donc condamné à mourir ?

      Ce n’est pas aussi simpliste que cela, et en voici les raisons.

      Tout d’abord, il y a une décorrélation entre le hashrate et le prix du Bitcoin. Ce n’est pas parce que le hashrate diminue que le prix en fera autant. Aujourd’hui, la sécurité de Bitcoin peut être considérée comme “excessive”, et si celle-ci baisse, rien ne se passera. Le réseau est programmé pour se configurer et se rééquilibrer pour faire face aussi bien à l’augmentation du hashrate qu’à sa diminution.

      Si l’on part du principe qu’un acteur malveillant serait prêt à investir une somme colossale pour attaquer le réseau (pour des raisons idéologiques, et donc avec une capacité théoriquement infinie de perdre de l’argent), il faut aussi accepter de partir du principe que les acteurs impliqués dans Bitcoin ne resteront pas les bras croisés.

      Il est probable d’un point de vue pratique que l’attaque se fasse en payant des mineurs une somme plus importante que ce qu’ils pourraient gagner en plusieurs années d’opération (l’attaque ayant pour conséquence de détruire leur business). Cela se précèderait en toute logique de vente massive de leur trésorerie en bitcoins, signal faible majeur que quelque chose se prépare. Peut être que l’entité rachèterait aussi les bitcoins pour rester plus discret, mais il y a probablement une limite à l’argent qui peut être dépensé.

      Pour plus de contexte sur le scénario de cette attaque et en justifier l’existence, nous nous plaçons en 2032, avec un bitcoin évalué à 10 millions de dollars et une activité économique majeure basée sur cet actif. Un environnement de concurrence des monnaies réelles (au sens Hayekien) où des acteurs comme Strategy et Blackrock pèsent des trillions.

      On peut déjà imaginer que ces entreprises possèdent ou contrôlent des capacités de minage importantes, activité hautement stratégique pour défendre leur business.

      D’autre part, il n’est pas absurde de penser qu’il existe aussi des centaines de milliers d’entités qui dépendent de transactions bitcoins pour effectuer leurs opérations.

      Une fois l’attaque lancée, que se passe-t-il en réaction?

      – les utilisateurs, entrant en compétition pour la validation de leurs transactions et devant impérativement les confirmer pour des raisons financières urgentes, vont augmenter de manière rationnelle les frais proposés. Voyant les récompenses disponibles augmenter significativement, des mineurs pourraient rebrancher leurs infrastructures. Des mineurs initialement corrompus pourraient faire défection pour chercher ces récompenses massives.

      – les nœuds complets (garants des règles du protocole) pourraient s’unir de façon décentralisée et rejeter en masse les blocs malveillants.

      – le nombre de confirmations généralement accepté comme définitif pourrait passer de 6 à 12, rendant l’attaque encore plus difficile à maintenir dans le temps.

      – les institutions et acteurs de l’écosystèmes pourraient investir des sommes significatives pour défendre leur capital ; ces montants pourraient même être provisionnés à l’avance pour rassurer les actionnaires et renforcer la confiance.

      La tragédie des communs (reconnaître le danger mais ne rien faire en pensant que les autres vont s’en occuper) ne s’applique pas ici car chaque participant a la nécessité de voir ses transactions validées et doit donc faire quelque chose.

      L’attaque viendrait en toute logique créer une panique sur les marchés, faisant chuter le prix du Bitcoin, et compliquant la riposte. Cela testerait la résilience des acteurs majeurs du secteur ainsi que leur capacité à se battre pour leur survie, et le bras de fer serait donc rude.

      Enfin, il existe un autre axe de réaction, géopolitique celui-là. Si l’on imagine que l’attaquant est un État (seul acteur pouvant théoriquement mettre des fonds illimités), il faut aussi prendre en considération la réaction des États en victime collatérale. Peut-être qu’en 2032 les USA tireront de l’économie du Bitcoin des revenus et une stabilité substantielle. Laisseront-ils leurs fleurons technologiques se faire détruire sans rien faire ? Laisseront-ils leurs réserves stratégiques en bitcoins fondre comme neige au soleil sans réagir ? L’État rebelle sera probablement vite identifié, et on peut imaginer la suite…

      Nous nageons donc en pleine théorie des jeux, avec des considérations dépassant les notions de hashrate.

      En conclusion, on ne peut pas nier le risque d’un tel scénario. Il existe et il serait contre productif de l’ignorer. Cependant, ceux qui poussent ce narratif (souvent parce qu’ils ont un agenda) font la grossière erreur de logique de considérer que l’écosystème regarderait Bitcoin partir en flamme sans rien faire.

      Une attaque coordonnée contre Bitcoin n’aurait absolument rien de trivial, et n’aurait en réalité aucune garantie de réussite.

      (Source)

      Feu
      Teps Trade, Baptiste Langlumé et 4 autres
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